jeudi 7 avril 2011

Pollueurs-payeurs, consommateurs-payeurs

Quand j'ai fait le test de la Boussole électorale, un énoncé m'a inspiré ce billet. Le voici: "Les normes environnementales devraient être plus sévères, même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs". Dans le cadre de la Boussole, il fallait indiquer notre (dés)accord avec cet énoncé ainsi que de nombreux autres pour déterminer à quel parti correspond le mieux notre vision. Avant de continuer la lecture de ce billet, je vous invite à faire l'exercice pour ce seul énoncé. Donc, êtes-vous totalement, plutôt ou un peu en (dés)accord avec l'énoncé "Les normes environnementales devraient être plus sévères, même si elles entraînent une augmentation des prix pour les consommateurs"? Pour ma part, je suis tout à fait d'accord car je crois que c'est la seule façon d'augmenter la part de marché des produits verts, qui devraient alors coûter moins cher que leurs concurrents moins verts présentement moins chers.

Actuellement, la pollution indirecte causée par un produit entraîne des coûts sociaux; or ceux-ci ne sont pas payés par les personnes qui consomment le produit, mais par l'ensemble de la société, souvent via des programmes publics de dépollution. De plus, ces coûts sont souvent assumés avec un grand décalage dans le temps par rapport à l'utilisation du produit. Donc, si l'on tient compte de cette pollution, le coût réel d'un produit polluant est plus élevé que son coût immmédiat. En voici un exemple. Le coût d'un objet jetable comme une couche pour enfant inclut les coûts de fabrication (matières premières, machinerie, énergie, main-d'oeuvre) et d'autres coûts du fabricant (marketing...) ainsi que son profit, mais n'inclut pas les coûts d'enfouissement de la couche, qui seront généralement assumés via les taxes municipales des résidents qui la jetteront, ni les coûts associés à la pollution lors de la fabrication (s'il y a rejet dans l'environnement de solvants ou autres substances toxiques, par exemple) et du transport (gaz à effet de serre émis par la combustion de carburants fossiles pour alimener les moteurs de camions) de la couche. Les effets de la pollution peuvent inclure une augmentation ou un aggravation, ou les deux, de certains problèmes de santé des populations qui la subissent (par exemple, plus d'asthme si l'air est plus pollué à cause de plus de transport routier). Ils peuvent aussi inclure une perte de jouissance, par exemple une augmentation du bruit si une route reçoit plus de circulation qu'auparavant ou un cours d'eau qui devient interdit à la baignade ou où l'on ne peut plus pêcher à cause de la présence de contaminants.

Une analyse de cycle de vie permet d'estimer ce genre de coûts indirects et de mieux comparer la valeur écologique réelle de différents produits. Or, les produits qui sont les plus respectueux de l'environnement selon de telles analyses sont souvent plus chers pour le consommateur. Ceci peut découler, par exemple, des coûts de recherche et de développement de produits et de procédés respectueux de l'environnement, de coûts plus élevés pour des matières premières plus écologiques, de coûts de certification pour être reconnu ou pour avoir droit à des appellations permettant au consommateur final de s'y retrouver (pensons à la certification des fermes biologiques). Certains consommateurs soucieux de l'environnement choisiront le produit le plus écologique malgré son surcoût; d'autres y penseront mais leur budget aura le mot final et ils devront se contenter d'un produit qui représente moins leurs valeurs. Quant aux consommateurs qui ne se soucient pas d'environnement, ils opteront pour le produit moins cher.

Si les normes environnementales étaient plus sévères, obligeant les fabricants à mieux préserver l'environnement quitte à augmenter leurs coûts, ça se reflèterait principalement sur le prix des produits moins écolos et ça augmenterait donc la part de marché des produits plus verts, simplement car leur prix se comparerait alors mieux à celui des autres. Pour cette raison, je suis donc tout à fait d'accord avec l'énoncé de la Boussole électorale.

Vous vous demandez à quel point les lois environnementales auraient un effet sur les fabricants de produits divers? Malheureusement, certaines multinationales auraient pour réaction de déménager leurs usines dans des pays aux normes moindres et c'est absolument déplorable. Par contre, j'ai déjà travaillé pour une "petite multinationale" certifiée ISO 14001, fabricant des matériaux de construction et où un des projets de recherche et développement était le recyclage des produits rejetés lors du contrôle de qualité. La nature de leurs produits était telle que ce recyclage était techniquement très complexe (on ne parle pas de bouteilles de verre qu'il suffirait de refondre, loin de là!). Après maintes recherches documentaires et techniques, il s'avérait que ce recyclage était faisble, mais qu'il nécessitait des investissements considérables. L'entreprise avait donc décidé d'attendre pour le mettre en oeuvre qu'il devienne rentable (exemple: si les coûts pour disposer des matériaux rejetés augmentaient) ou que la loi les y contraigne. Sur une telle entreprise, des lois environnementales plus sévères auraient un effet réel.

En résumé, de meilleures lois environnementales ne seraient pas une panacée (surtout si d'autres pays moins scrupuleux existent pour accueillir des entreprises poluantes) et se reflèteraient certainement par une augmentation des coûts pour les consommateurs, mais pour que même les gens qui se foutent de l'environnement achètent écolo, je crois que de telles lois plus sévères sont nécessaires.

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